COLLING Amélie

COLLING Amélie

Doctorante Université de Bordeaux

Nationalité : France

Sujet de thèse

Impact des interactions greffon-porte greffe sur l'épigénome chez la vigne et la tomate.

  • Ecole doctorale: Sciences de la Vie et de la Santé - Université de Bordeaux
  • Encadrement : Emeline TEYSSIER
  • Financement :
  • Date : depuis le 07/09/2018

Résumé

Le greffage est une technique de propagation végétative des végétaux qui consiste à joindre les tissus d'une plante porteuse (porte-greffe) à la tige d'une autre plante (greffon) permettant ainsi sa croissance. L'intérêt de la greffe en agriculture réside principalement dans la capacité d'associer les propriétés du porte-greffe à celles du greffon. Par exemple, dans le cas de la vigne la greffe a permis de continuer à produire en utilisant des plants traditionnels cultivés en France grâce à l'utilisation de plants américains comme porte-greffe, choisis pour leur résistance au phylloxera. L'interaction entre les deux partenaires joints lors de la greffe est à l'origine de modifications de traits phénotypiques de chaque partenaire, démontrant ainsi leur influence réciproque. Par exemple le porte-greffe peut être utilisé pour modifier la précocité, la résistance aux maladies, la qualité des fruits ou encore réduire la vigueur du scion. Inversement le scion peut provoquer des changements des traits phénotypiques du porte-greffe, tels que le rendement en tubercule chez la pomme de terre. Pour autant les mécanismes impliqués dans ces interactions réciproques restent encore mal connus de même que les rôles respectifs de chaque partenaire dans les définitions des traits phénotypiques. S'il est clairement accepté que les interactions trophiques et que les hormones jouent un rôle important tant dans la mise en place de la greffe que plus tard lors de la croissance des plantes, d'autres signaux moléculaires pourraient être impliqués. Parmi ceux-ci, le transfert des petits ARN depuis le greffon vers le porte-greffe a récemment été démontré chez la plante modèle Arabidopsis thaliana et est impliqué dans le remodelage de la méthylation de l'ADN amenant à une modification de l'expression de certains gènes au niveau du porte-greffe. Ces travaux réalisés sur la plante modèle Arabidopsis thaliana, ouvrent un nouveau champ de recherche dont l'objectif est de déterminer dans quelle mesure les partenaires de la greffe influencent de façon réciproque leur paysage épigénétique au cours du développement. L'existence de mécanismes équivalents chez les plantes d'intérêt agronomique qu'elles soient annuelles (tomate) ou pérennes (vigne) n'a pas été démontrée. Le projet de thèse se propose d'analyser les conséquences de la greffe sur la reprogrammation épigénétique des deux partenaires en se focalisant sur la méthylation de l'ADN. Le travail sera centrée sur deux modèles de plante d'intérêt agronomique cultivés pour leurs fruits : la vigne, plante pérenne et la tomate plante annuelle. Les objectifs seront (1) de déterminer les variations du méthylome, de transcriptome et des populations en petits ARN au niveau du greffon et du porte greffe suite à la mise en place de la greffe chez la vigne (2) d'analyser le rôle de certains mécanismes contrôlant la méthylation et la production des petits ARNs dans le remodelage du méthylome lors de la greffe en utilisant la tomate comme plante modèle (3) de déterminer la possibilité d'utiliser les interactions entre scion et porte-greffe pour induire à distance un remodelage ciblé de la méthylation de l'ADN (editing du méthylome). 1) Conséquence de la greffe sur le méthylome du greffon et du porte-greffe chez la vigne. Il existe plus de 30 porte-greffes autorisés en viticulture en France. Ces porte-greffes ont été générés au moment de la crise phylloxérique en utilisant des espèces de Vitis d'origine américaine parmi lesquelles Vitis Riparia (Riparia Gloire de Montpellier, RGM). Dans le cadre de la thèse proposée, RGM sera utilisé en combinaison avec Vitis vinifera (Cabernet Sauvignon, CS). Différentes combinaisons de porte-greffe/ greffon seront réalisées : des homogreffes RGM/RGM et CS/CS pour évaluer l'incidence du stress lié à la greffe en comparaison à des plantes non greffées, et d'autre part les hétérogreffes symétriques RGM/CS et CS/RGM. Les récoltes de matériel végétal (feuilles en croissance pour les parties aériennes, et jeunes racines pour la partie souterraine) seront réalisées une fois la greffe établie lors de la phase de croissance végétative des plantes. Pour chaque combinaison des triplicats biologiques seront récoltés. Afin d'évaluer l'incidence de la greffe sur le fonctionnement et le méthylome des cellules d'une part et des plants de vigne d'autre part, les analyses de transcriptome, des petits ARNs et de la méthylation de l'ADN génomique seront réalisées. Le génome de ces différentes espèces est disponible et permet donc de développer des approches d'épigénomique. L'analyse des populations d'ARN messager et de petits ARNs sera réalisée par approche RNA seq en utilisant des protocoles adaptés à la taille des ARNs. Brièvement, les banques d'ARN pour le séquençage seront synthétisées en utilisant le protocole du kit « Illumina TruSeq RNA sample prep v2 (catalog # FC‐122‐2001). Le séquençage sera réalisé en ‘paired ends' (2x150 pb) sur un séquenceur Illumina HiSeq3000. Environ 30 millions de séquences seront produites pour chaque échantillon biologique. Les analyses RNA-seq seront sous-traitées à la plate-forme France Genomic Genotoul (http://get.genotoul.fr/). Le séquençage des petits ARNs sera effectué sur la plateforme de génomique/transcriptomique de Bordeaux (http://pgtb.cgfb.u-bordeaux.fr/) localisée à l'INRA de Pierroton en utilisant un protocole établi pour le séquençage de petits ARNs (kit de séquençage de petits ARN ions, Thermofisher Scientific) sur un séquenceur Ion Torrent. A partir des résultats bruts, les séquences seront alignées sur le génome de référence à l'aide de l'outil Bowtie 2, et les études d'expression différentielle seront faites dans le logiciel R à l'aide des packages Deseq et edgeR. La construction des réseaux de gènes sera basée sur l'approche «Weighted Correlation Network Analysis » (WGCNA). L'analyse des populations en petits ARNs sera faite en utilisant les outils actuellement disponibles tels que mirTools ou iSRAP L'impact de la greffe sur la méthylation de l'ADN sera étudié à un niveau global : le niveau global de méthylation de l'ADN des feuilles et des racines sera mesuré par HPLC-MS (UMR EGFV). La distribution de la méthylation sera ensuite déterminée par approche Whole Genome Bisulfite Sequencing (WGBS). Les échantillons biologiques seront analysés en triplicats biologiques de façon à obtenir couverture totale de 40-45X soit une couverture minimale d'environ 40 X après contrôle qualité (http: //www.roadmapepigenomics.org/). L'analyse des données de WGBS sera faite en utilisant l'ensemble des outils permettant d'une part l'alignement des données obtenues après séquençage au bisulfite (ex., Bismark, bison PASS-bis BS-seeker) puis l'identification des cytosines méthylées (SMAP MOABS, MethylKit and Methy-Pipe). La validation des résultats obtenus par WGBS sera réalisée par l'analyse locus spécifique de la méthylation ou des marques histones sur un nombre limité de cibles (entre 10 et 20 par organes). 2) Etude des mécanismes épigénétiques impliqués : L'analyse des mécanismes moléculaires sous-jacents est difficilement envisageable actuellement chez la vigne du fait de la difficulté à obtenir des mutants. Pour cette raison, cette étude sera réalisée en utilisant le modèle tomate en collaboration avec l'équipe de N Bouché (INRA Versailles). Dans un premier temps, un système expérimental basé sur l'utilisation de greffes interspécifiques de tomate entre Solanum lycopersicum (Var microtome) et Solanum pimpinelifolium, (SP) une espèce sauvage de tomate sera mis en place. Les différentes combinaisons d'homogreffes et d'hétérogreffes générées seront microtome/microtome ; SP/SP ; microtome /SP et SP/microtome et comparées aux plantes non greffées. Ce système sera utilisé pour l'étude des variations de méthylome induites lors de l'hétérogreffe en suivant un plan expérimental équivalent à celui mis en place sur la vigne. Dans un second temps différent mutant de tomate, affectés dans la méthylation de l'ADN (mutants ADN methyltransférases) ou dans la production de petits ARNs (mutants RNApolIV, dicer ) seront générés dans la variété microtome. Ces plantes seront utilisées comme porte-greffe ou greffon dans le cadre de greffes réciproques réalisées avec l'espèce Solanum pimpinellifolium (SP). L'analyse de l'incidence sur la méthylation de l'ADN et sur l'expression des gènes sera réalisée dans les parties mutantes (microtome) et non mutantes (SP) des plantes par approche ciblée. Entre 15 et 20 loci préalablement identifiés parce que subissant une variation de leur méthylome et de leur expression suite à la greffe (voir ci-dessus) seront analysés pour leur méthylation et pour leur expression par Q RT PCR. 3) La greffe comme un moyen d'effectuer l'édition du génome chez la tomate et la vigne La démonstration chez Arabidopsis que les petits ARNs migrent dans la plante entière, peuvent être échangés entre les partenaires lors de la greffe et déterminer de nouveaux profils de méthylation permet d'envisager d'utiliser la greffe comme méthode pour réaliser des modifications ciblées de la méthylation de l'ADN (epigénome editing). En effet des petits ARNs spécifiques à un gène donné produits par une partie racinaire transgénique pourraient permettre la méthylation de ce gène dans des parties aériennes non transgéniques après greffe. Cette hypothèse sera testée sur le modèle tomate et sur le modèle vigne comme méthode pour générer de la variation phénotypique par remodelage ciblé de la méthylation de l'ADN. Pour atteindre cet objectif des constructions permettant de cibler la méthylation de l'ADN au niveau du promoteur de gènes choisis (par exemple la phytoène désaturase qui permet un phénotypage aisé au niveau des feuilles par photobleaching) seront réalisées. La faisabilité de l'approche sera évaluée chez la tomate dans un premier temps. Des plants de tomate transgéniques générés à l'aide d'Agrobatérium tuméfaciens portant les constructions choisies seront utilisés dans des greffes symétriques avec des plants de tomate sauvage. La méthylation et l'expression des gènes ciblés seront ensuite évaluées dans les deux parties de la plante (greffon et porte-greffe). Cette approche sera comparée à l'utilisation du système « hairy root » (Agrobactérium rhizogenes) chez la tomate comme source de petits ARNs pour induire la méthylation au niveau de gènes ciblés, dans les parties végétatives d'une partie aérienne greffée sur le « hairy root ». Le transport de petits ARNs depuis des racines de type « hairy root » et partie aérienne greffée a récemment été démontré dans le cas du soja (Mol Plant 2016). Chez la vigne, la transgénèse par Agrobacterium tumefaciens étant encore très longue à réaliser, le travail portera uniquement sur l'utilisation du système hairy root comme moyen de production de petits ARNs pour adresser la méthylation dans une partie aérienne greffée. Des constructions permettant de cibler la méthylation dans les régions promotrices de gènes de vigne (Phytoène désaturase dans un premier temps) seront utilisées pour générer des hairy root qui seront ensuite utilisées comme porte-greffe. La méthylation et l'expression des gènes cibles seront ensuite évaluées dans les parties aériennes et racinaires des plantes générées.

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